Il y a un peu plus de deux ans, Sam Altman, fondateur d’OpenAI, se présentait devant le Congrès américain en plaidant pour des règles strictes. L’IA, disait-il, était « risquée » et « pouvait causer un tort considérable au monde ». Il appelait alors à créer une agence fédérale spécialisée dans la sécurité de l’IA.
Aujourd’hui, le discours a radicalement changé. L’intelligence artificielle, autrefois dépeinte comme une menace existentielle, est désormais présentée comme indispensable à la prospérité américaine et à la suprématie mondiale. Réguler ce secteur n’est plus une urgence, mais un danger : cela « freinerait l’innovation » et « favoriserait les adversaires des États-Unis ».
Une pluie de millions pour acheter l’absence de règles
Derrière ce virage rhétorique se cache une réalité : les géants de l’IA veulent que la régulation, si elle existe, se fasse selon leurs conditions. Et pour cela, ils dépensent sans compter.
- OpenAI a déboursé 620 000 dollars en lobbying rien qu’au deuxième trimestre 2025.
- Son rival Anthropic a fait encore plus fort, avec 910 000 dollars sur la même période, contre 150 000 l’an passé.
- Un Super PAC, “Leading Our Future”, financé par Greg Brockman (OpenAI) et Andreessen Horowitz, prévoit plus de 100 millions de dollars pour influencer les élections de mi-mandat.
- Meta, de son côté, monte son propre Super PAC en Californie pour bloquer toute tentative de régulation locale.
Les promesses non tenues, les dégâts bien réels
Pendant que l’argent coule à flots dans les campagnes électorales, les promesses de l’IA restent largement illusoires. Une étude du MIT révèle que 95 % des entreprises n’ont aucun retour sur investissement (source) de leurs programmes d’IA générative. Pire encore, les dommages se multiplient :
- Des chercheurs de Stanford montrent que l’IA fragilise l’emploi des jeunes travailleurs.
- Les inquiétudes sur la santé mentale s’aggravent : la famille d’Adam Raine, 16 ans, poursuit OpenAI en justice après le suicide de l’adolescent, qui aurait longuement échangé avec ChatGPT sans être dissuadé.
- En parallèle, un homme de 76 ans, convaincu par un chatbot de Meta qu’il parlait à une vraie femme, a trouvé la mort en tentant de la rencontrer.
Ces affaires mettent en lumière une question explosive : les entreprises ont-elles volontairement sacrifié la sécurité pour lancer plus vite leurs produits ?
Guerre des titans : Musk contre OpenAI et Apple
Comme si cela ne suffisait pas, Elon Musk vient d’ouvrir un nouveau front judiciaire. Son entreprise xAI accuse Apple et OpenAI de collusion pour monopoliser le marché des chatbots et exclure ses propres produits. Musk réclame des milliards de dollars et dénonce une entente entre Cupertino et Altman.
C’est un épisode supplémentaire dans la guerre ouverte entre Musk et Altman, anciens partenaires devenus ennemis jurés. Musk avait quitté OpenAI en 2018 après une tentative avortée de prise de contrôle. Depuis, il attaque régulièrement la société, dénonçant sa dérive commerciale et son alliance avec les géants de la tech.
L’Amérique choisit la puissance au détriment de la prudence
Malgré les scandales, la tendance est claire : Washington semble prêt à écouter les promesses de puissance plutôt que les avertissements. Donald Trump l’a résumé récemment dans un discours :
« Nous ne pouvons pas l’arrêter. Nous ne pouvons pas l’arrêter avec la politique. Nous ne pouvons pas l’arrêter avec des règles stupides. »
L’IA est désormais moins vue comme une menace qu’il faut contenir que comme un outil à exploiter à tout prix – quitte à ignorer les drames humains et les risques sociétaux.