Un bouleversement monétaire sans précédent se dessine dans les laboratoires des banques centrales mondiales. Sous couvert de modernisation technologique, les autorités monétaires développent des systèmes de “monnaie programmable” qui menacent de transformer radicalement la nature même de l’argent et de la liberté économique.
La Banque des règlements internationaux (BRI), institution méconnue mais influente basée à Bâle qui coordonne les politiques monétaires mondiales, a publié en juin un rapport technique aux implications considérables. Ce document, intitulé “Next-generation monetary and financial system takes shape”, dessine les contours d’un système où chaque transaction pourrait être surveillée, conditionnée et contrôlée en temps réel.
L’Australie figure parmi les pays les plus avancés dans cette démarche, la Reserve Bank of Australia explorant activement ces technologies aux côtés de la Chine, qui expérimente déjà des versions préliminaires via ses monnaies numériques d’État.
La fin de l’anonymat monétaire
Cette révolution marque une rupture historique avec le principe fondamental de l’argent liquide : l’anonymat des transactions. Contrairement aux espèces, qui permettent des échanges sans traçabilité individuelle, la monnaie programmable créerait un registre permanent de chaque dépense, accessible aux autorités.
Les implications dépassent largement la simple surveillance. Cette technologie permettrait aux gouvernements d’imposer des restrictions d’usage directement dans la monnaie elle-même. L’argent pourrait être programmé pour expirer à des dates déterminées, forçant la consommation. Il pourrait être géolocalisé, limitant son usage à certaines zones géographiques. Plus inquiétant encore, sa valeur ou sa fiscalité pourrait varier selon l’identité ou le comportement de l’utilisateur.
“C’est comme transformer l’intégralité de votre argent en cartes cadeaux soumises aux conditions de l’émetteur”, résume un analyste financier qui préfère garder l’anonymat compte tenu de la sensibilité du sujet.
L’agenda climatique comme cheval de Troie
Les promoteurs de cette technologie invoquent principalement l’efficacité et la lutte contre la fraude. Mais l’analyse des projets pilotes révèle une préoccupation centrale : l’utilisation de la monnaie programmable pour imposer des objectifs de décarbonation.
Le “Carbon Stablecoin Framework“, déjà testé en Asie selon le Manila Times, illustre cette dérive. Ce système transforme les activités de décarbonation en jetons monétaires programmables, permettant un contrôle “en temps réel” des comportements environnementaux. En Chine, des projets éoliens reçoivent désormais des “certificats de naissance” numériques traçant leurs performances écologiques.
Cette approche ouvre la voie à un système où l’accès à votre propre argent dépendrait de votre “score carbone” personnel. Les transactions jugées non conformes aux objectifs environnementaux pourraient être automatiquement surtaxées, retardées ou purement interdites.
Un précédent inquiétant
L’histoire récente offre un aperçu troublant de cette évolution. L’identité numérique, initialement présentée comme “optionnelle” et “pratique”, est devenue de facto obligatoire pour accéder à de nombreux services publics et privés dans plusieurs pays occidentaux.
Le mécanisme est désormais bien rodé : présenter l’innovation comme un progrès facultatif, puis multiplier les incitations jusqu’à rendre l’adoption inévitable. Les gouvernements pourraient facilement reproduire ce schéma avec la monnaie programmable, en commençant par des avantages fiscaux pour les “early adopters” avant de généraliser progressivement le système.
Vers un contrôle économique total
Les implications à long terme sont vertigineuses. Avec une monnaie entièrement programmable, les gouvernements pourraient :
- Prélever automatiquement taxes et amendes à chaque transaction
- Appliquer des taux d’imposition variables selon les produits ou services achetés
- Bloquer instantanément l’accès aux comptes de citoyens jugés “non conformes”
- Orienter les choix de consommation par des incitations ou pénalités intégrées à la monnaie
Cette perspective transformerait fondamentalement la relation entre l’État et les citoyens, donnant aux autorités un pouvoir de coercition économique sans précédent dans l’histoire moderne.
La BRI justifie cette révolution par la nécessité de maintenir la “confiance dans la monnaie”. Pourtant, cette confiance repose historiquement sur l’impossibilité pour les autorités de surveiller et contrôler chaque transaction individuelle.
En présentant ces transformations comme de simples améliorations techniques, les banques centrales occultent délibérément leurs implications politiques et sociales. Cette stratégie de communication révèle une volonté de court-circuiter le débat démocratique sur des changements qui redéfiniraient pourtant les fondements de nos économies de marché.
L’urgence climatique sert de justification commode à cette dérive autoritaire, permettant de présenter la restriction des libertés économiques comme une nécessité morale incontestable.
Un tournant décisif
Nous nous trouvons à un tournant historique. Les décisions prises dans les prochaines années concernant l’architecture monétaire détermineront si l’argent demeurera un instrument de liberté ou se transformera en mécanisme de contrôle social.
Les citoyens des démocraties occidentales doivent comprendre que derrière les discours techniques sur la “modernisation” du système financier se cache un projet politique radical : la subordination de la liberté économique individuelle aux objectifs collectifs définis par les élites technocratiques.
Cette évolution ne relève plus de la prospective : elle est en cours. Seule une prise de conscience rapide et une mobilisation citoyenne peuvent encore préserver l’autonomie économique qui constitue le socle de nos libertés démocratiques.