Une tentative d’incendie criminel dans un salon de coiffure de Sydney a pris une tournure juridique inhabituelle lorsque la famille du pyromane a porté plainte contre l’établissement qu’il avait tenté de détruire, réclamant 2 millions de dollars australiens pour les blessures qu’il s’est infligées.
L’incident, survenu le 13 juin vers 5h du matin sur Burwood Road dans le quartier de Burwood, met en lumière les complexités croissantes du droit de la responsabilité civile en Australie, où les demandes de dommages et intérêts ont augmenté de 15% ces cinq dernières années selon l’Insurance Council of Australia.
Les images de vidéosurveillance montrent deux hommes masqués forçant l’entrée du salon avant qu’un suspect ne verse un liquide inflammable et y mette le feu. L’auteur de l’incendie s’est retrouvé pris dans les flammes qu’il avait lui-même allumées, subissant de graves brûlures avant de fuir les lieux.
Évolution du contentieux de responsabilité
Cette affaire s’inscrit dans une tendance plus large observée par les compagnies d’assurance australiennes, qui font état d’une augmentation des réclamations impliquant des auteurs d’infractions cherchant compensation pour des blessures auto-infligées. Les primes d’assurance responsabilité civile commerciale ont ainsi progressé de 8% en moyenne cette année en Nouvelle-Galles du Sud.
“Nous observons une évolution significative dans la nature des réclamations, avec des cas de plus en plus complexes où la ligne entre victime et responsable devient floue”, explique Sarah Mitchell, analyste senior chez Marsh Australia, l’un des principaux courtiers d’assurance du pays.
Le système judiciaire australien permet théoriquement de telles poursuites, même si les chances de succès restent limitées. La jurisprudence établie privilégie généralement le principe de responsabilité personnelle, particulièrement dans les cas d’activités criminelles.
Impact économique sur les petites entreprises
Pour le secteur des petites entreprises, déjà fragilisé par les confinements liés au Covid-19, ces développements représentent un défi supplémentaire. Les coûts de défense juridique, même pour des plaintes sans fondement, peuvent atteindre 50 000 à 100 000 dollars australiens selon les avocats spécialisés.
L’Australian Small Business and Family Enterprise Ombudsman a récemment alerté sur l’impact financier de ces procédures sur les commerces de proximité, qui consacrent en moyenne 12% de leur chiffre d’affaires aux assurances et frais juridiques.
Dans le cas présent, la propriétaire du salon fait face à une double contrainte financière : la reconstruction de son établissement, estimée à 150 000 dollars, et les frais de défense contre une action qu’elle considère comme abusive.
Réactions du secteur juridique
Les professionnels du droit restent divisés sur l’issue probable de cette affaire. D’un côté, le principe de “contributory negligence” pourrait jouer en faveur du salon, les tribunaux australiens ayant traditionnellement peu de sympathie pour les auteurs d’infractions cherchant compensation.
De l’autre, l’évolution récente de la jurisprudence en matière de responsabilité civile laisse entrevoir des possibilités d’interprétation plus larges, notamment concernant les obligations de sécurité des établissements commerciaux.
“Cette affaire teste les limites du système de responsabilité civile australien”, observe James Crawford, professeur de droit à l’Université de Sydney. “Elle pourrait établir un précédent important sur la question de savoir jusqu’où peut s’étendre la responsabilité d’une victime envers son agresseur.”
Implications plus larges
Au-delà de son aspect anecdotique, cette affaire reflète des tensions plus profondes dans la société australienne concernant la responsabilité individuelle et collective. Les sondages d’opinion montrent une préoccupation croissante du public face à ce qui est perçu comme une “culture de la compensation” importée des États-Unis.
Le gouvernement de Nouvelle-Galles du Sud examine actuellement des réformes du système de responsabilité civile pour limiter les réclamations abusives, à l’image des mesures adoptées dans d’autres États australiens depuis les années 2000.
L’affaire devrait être examinée par les tribunaux dans les prochains mois, avec une attention particulière portée aux implications pour le secteur de l’assurance et la jurisprudence future. Son issue pourrait influencer les débats législatifs en cours sur la réforme du droit de la responsabilité civile en Australie.