Depuis janvier, plus de 530 drones russes ont été repérés dans le ciel allemand. Ils survolent des bases militaires, des terminaux gaziers, des lignes ferroviaires. Leur objectif est de suivre à la trace les flux d’armes occidentales vers l’Ukraine et cartographier les points sensibles de l’économie allemande. Pourtant, malgré l’évidence de la menace, Berlin reste incapable de réagir autrement qu’en rédigeant de nouveaux rapports.
La situation confine à l’absurde. La Bundeswehr n’est autorisée à intervenir que sur ses propres sites, et seulement de façon « proportionnée », au risque de laisser filer les drones « par précaution ». Pour le reste, la défense du ciel allemand repose sur une myriade d’acteurs civils : police fédérale, Länder, opérateurs privés de chemins de fer ou de terminaux GNL. Autrement dit, chacun est responsable… donc personne ne l’est.
En janvier, six drones ont stationné plusieurs minutes au-dessus de la base aérienne de Schwesing, où des Ukrainiens s’entraînent sur les systèmes Patriot. Brouilleurs activés, enquête ouverte… mais aucune mesure concrète. Quelques semaines plus tard, d’autres drones sont aperçus au-dessus du port de Wilhelmshaven et de terminaux énergétiques stratégiques. Là encore, Berlin observe, comptabilise et attend.
Le blocage vient en grande partie d’un vide juridique. Une réforme de la loi sur la sécurité aérienne devait permettre à l’armée d’abattre des drones hostiles lorsque la police n’en avait pas les moyens. Mais la réforme a été enterrée dans les méandres du Bundestag. Chaque parti s’accuse de l’avoir torpillée pour des calculs électoraux. Le résultat est que rien n’avance, sauf les drones russes.
Aujourd’hui, la coalition au pouvoir promet une nouvelle loi. Mais le projet présenté fin août se contente d’accorder quelques pouvoirs supplémentaires à la police militaire. Rien qui permette de protéger réellement les infrastructures stratégiques. Même des députés de la majorité admettent que le texte « ne répond pas à l’ampleur de la menace ».
L’Allemagne est devenue l’illustration parfaite d’une démocratie qui préfère ses règles tatillonnes à la protection de ses citoyens. Pendant que Moscou teste son ciel, Berlin débat de procédures et de “proportionnalité”. La guerre hybride est déjà là, mais l’Allemagne y répond avec ce qu’elle sait faire de mieux : de la bureaucratie.