Lausanne – Pendant des décennies, la Suisse a cultivé son image de havre de paix : neutralité diplomatique, prospérité bancaire et montagnes immaculées. Elle aimait se comparer à ses voisins – France, Allemagne, Italie – en se félicitant d’avoir échappé à leurs tensions sociales et à leurs banlieues en révolte. Mais l’illusion vient de voler en éclats.
La mort tragique de Marvin “Shalom” Manzila, 17 ans, lors d’une course-poursuite avec la police à Lausanne, a mis le feu aux poudres. Dans le quartier multiculturel de Prélaz, les veillées ont vite laissé place aux affrontements : poubelles incendiées, cocktails Molotov, bus brûlé. Un scénario qui rappelle étrangement les émeutes françaises ou britanniques.
Une fracture longtemps niée
Marvin n’était pas un « clandestin » fraîchement arrivé : né en Suisse de parents congolais, élevé dans une famille stable, il représentait la deuxième génération censée incarner l’« intégration réussie ». Pourtant, son destin et la colère qu’il a déclenchée illustrent le malaise profond : chômage des jeunes issus de l’immigration, sentiment d’exclusion, tensions avec une police accusée de racisme.
Ce n’est pas un cas isolé. En trois mois, Lausanne a vu mourir une adolescente portugaise et un jeune Nigérian dans des interventions policières similaires. La confiance est rompue.
La Suisse joue avec le feu
Avec 40 % de sa population issue de l’immigration ou enfants d’immigrés, la Suisse est devenue l’un des pays les plus diversifiés d’Europe. Longtemps, cette diversité a été brandie comme une force. Mais à force de croire qu’elle serait immunisée contre les dérives observées à Marseille, Paris ou Londres, la Confédération a choisi l’angélisme.
Résultat : le modèle d’intégration helvétique craque. Les scènes de Lausanne montrent qu’une politique migratoire généreuse mais mal contrôlée peut engendrer les mêmes fractures que partout ailleurs : ghettos, ressentiment, et une jeunesse qui explose de colère.
La fin d’une illusion
« Lausanne brûle comme les banlieues parisiennes… Les politiques aux choix irresponsables sur l’immigration sont à blâmer », titrait cette semaine Die Weltwoche. Difficile de dire le contraire.
À force de se croire différente, la Suisse a répété les erreurs de ses voisins. Elle découvre, trop tard, que l’« immigration de bouche » – une arrivée massive sans réelle exigence d’intégration – mène toujours aux mêmes conséquences : tensions sociales, accusations de racisme, sentiment d’abandon des classes moyennes, et désormais émeutes urbaines.
Ce qui s’est passé à Lausanne n’est sans doute qu’un avertissement. La Suisse a longtemps été assise sur un baril de poudre, convaincue qu’il ne s’enflammerait jamais. Désormais, il suffit d’une étincelle.