Vaccins : quand la médecine se heurte aux incitations financières

Aux États-Unis, la vaccination ne relève pas seulement de la science ou de la médecine : elle est aussi une affaire d’argent. Entre primes des assurances, pressions économiques et accusations de conflits d’intérêts, un débat brûlant s’ouvre. Faut-il craindre que la médecine soit guidée par la rentabilité plutôt que par le jugement clinique ?
6 September 2025
2 mins read

« Les médecins sont payés pour vacciner, pas pour évaluer », a lancé récemment Robert F. Kennedy Jr., nouveau secrétaire à la Santé. Cette déclaration enflamme un débat déjà explosif : la vaccination aux États-Unis est-elle avant tout un acte médical… ou une activité financièrement encouragée ?

Une économie parallèle de la piqûre

Les chiffres montrent qu’il existe bel et bien un système d’incitations. Certaines études, comme celle menée en 2020 dans cinq cliniques du Colorado, concluent que la vaccination est « financièrement favorable », les remboursements couvrant largement les coûts. D’autres travaux, en Caroline du Nord, confirment que même les paiements minimums permettent à la plupart des cabinets de dégager un bénéfice.
À cela s’ajoutent les programmes d’incitation mis en place par les assureurs :

  • Blue Cross Blue Shield Michigan : jusqu’à 400 $ par enfant intégralement vacciné avant 2 ans,
  • Molina Healthcare Ohio : 100 $ par vaccination COVID-19,
  • Meridian : jusqu’à 9 600 $ par cabinet pour atteindre certains objectifs de couverture,
  • United Healthcare ou Aetna : primes pour les vaccins adolescents (HPV, Tdap, méningocoque).

Ces bonus, cumulés aux remboursements classiques, représentent des sommes considérables. Certains praticiens estiment qu’ils peuvent générer « jusqu’à un million de dollars par an ».

Entre science et conflit d’intérêts

Pour les défenseurs de ces politiques, il s’agit d’un levier de santé publique : inciter les praticiens à atteindre une couverture vaccinale maximale afin de prévenir les épidémies. Mais pour les critiques, il y a là un conflit d’intérêts majeur : comment s’assurer que le médecin agit pour la santé du patient, et non pour son bonus ?
Certains pédiatres reconnaissent que perdre la moitié des revenus liés aux vaccins mettrait en péril l’équilibre financier de leur cabinet. D’autres, comme le Dr Paul Thomas dans l’Oregon, ont tenté d’instaurer une approche « consentement éclairé », en laissant plus de liberté aux parents. Résultat : pertes financières massives, pressions institutionnelles, et finalement retrait de sa licence médicale.

Les patients pris au piège

Les conséquences se ressentent aussi côté familles. Une étude de 2015 montre que plus d’un médecin sur cinq refuse désormais de suivre des patients qui déclinent une partie des vaccins. L’Académie américaine de pédiatrie a même rédigé des lettres-types de « rupture » à remettre aux parents récalcitrants. De quoi nourrir la défiance d’une partie croissante de la population : un tiers des parents déclarent vouloir refuser tout ou partie des vaccins pour leurs enfants.

Le nouveau front politique

Kennedy, qui a bâti sa carrière politique sur la critique de l’industrie pharmaceutique, veut incarner une rupture. Sa ligne : mettre fin aux « incitations perverses » qui faussent la pratique médicale. Son équipe dit avoir identifié plus de 36 000 médecins dont les remboursements Medicare ont été modulés en fonction des taux de vaccination. Il vient d’annoncer l’abrogation d’une politique qui favorisait les hôpitaux publiant de tels taux, affirmant : « Les médecins doivent être guidés par leur serment d’Hippocrate, pas par des primes. »

Conclusion

Le débat sur la vaccination aux États-Unis dépasse la science médicale : il touche au cœur de la relation entre médecine, argent et confiance. Si les incitations financières peuvent aider à améliorer la couverture vaccinale, elles posent une question éthique fondamentale : la santé publique peut-elle être promue par des bonus financiers sans affaiblir la crédibilité de ceux qui la défendent ?

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