L’économie allemande face à sa plus grave crise depuis la réunification

Les faillites d'entreprises atteignent des niveaux records tandis que l'industrie manufacturière allemande s'enfonce dans une récession prolongée
6 August 2025
2 mins read

BERLIN – L’Allemagne, longtemps considérée comme le moteur économique de l’Europe, traverse sa plus grave crise économique depuis la réunification. Les dernières données révèlent une détérioration continue de la situation, avec 4 524 défaillances d’entreprises enregistrées au deuxième trimestre 2025, soit une hausse de 7% par rapport au trimestre précédent.

Cette progression marque un tournant préoccupant pour l’économie allemande, qui affiche désormais des niveaux d’insolvabilité dépassant ceux de la crise financière de 2008-2009. En juin dernier, 1 420 faillites ont été comptabilisées, représentant une augmentation de 23% par rapport à la même période l’année précédente.

Des régions prospères touchées de plein fouet

L’ampleur de la crise se mesure également à sa répartition géographique. La Bavière et la Hesse, traditionnels bastions de la prospérité allemande, enregistrent respectivement des hausses de 80% et 79% des défaillances d’entreprises. Cette détérioration touche désormais l’ensemble du territoire, signalant une crise structurelle plutôt que conjoncturelle.

Selon l’Institut für Wirtschaftsforschung Halle (IWH), cette vague de faillites résulte d’un double phénomène : l’impact de la récession actuelle et un ajustement longtemps différé du marché. “Des années de politique monétaire ultra-accommodante ont maintenu artificiellement en vie des entreprises non viables”, explique l’institut dans son dernier rapport.

L’industrie manufacturière en chute libre

Le secteur industriel, pierre angulaire de l’économie allemande, traverse une crise particulièrement sévère. Depuis la pandémie de COVID-19, la production industrielle a reculé de 10%, tandis que le cabinet de conseil Ernst & Young prévoit la suppression de plus de 100 000 emplois industriels en 2025.

Cette dégradation s’étend au secteur de la construction, qui avait jusqu’alors résisté à la morosité économique. La production dans le bâtiment a chuté de 4% en 2024, avec une nouvelle baisse attendue de 2,5 à 3% cette année. Sur cinq ans, le volume d’activité du secteur aura diminué de 10 à 12%.

Un plan d’investissement contesté

Face à cette situation, le gouvernement du chancelier Friedrich Merz a annoncé un programme d’investissement de 847 milliards d’euros étalé sur quatre ans. Cependant, les analystes s’interrogent sur l’efficacité de ces mesures, une large partie des fonds étant destinée à combler le déficit croissant du système de sécurité sociale, estimé à 140 milliards d’euros en 2025.

“Ce plan ressemble davantage à un exercice comptable qu’à une véritable stratégie de relance”, observe Klaus Zimmermann, économiste à l’Université de Bonn. “Il ne s’attaque pas aux causes structurelles de la crise allemande.”

Des coûts énergétiques pénalisants

L’économie allemande souffre également de handicaps structurels majeurs. Les coûts énergétiques élevés, conséquence de la transition énergétique et des tensions géopolitiques, pèsent lourdement sur la compétitivité des entreprises. Cette situation s’accompagne d’une charge administrative considérée comme excessive par les milieux d’affaires.

L’accord commercial récemment signé entre les États-Unis et l’Union européenne devrait encore aggraver la situation, avec un coût estimé à 6,5 milliards d’euros dès la première année pour l’Allemagne, uniquement en droits de douane supplémentaires.

Un exode d’entreprises vers les États-Unis

Plus préoccupant encore, de nombreuses entreprises allemandes étudient une relocalisation outre-Atlantique pour échapper aux contraintes réglementaires européennes et bénéficier d’un environnement économique plus favorable. Cette tendance pourrait s’accélérer dans les mois à venir, privant l’Allemagne de ses entreprises les plus dynamiques.

L’avenir en question

L’Allemagne se trouve aujourd’hui à un carrefour critique. Malgré son influence politique au sein de l’Union européenne, le pays semble privilégier une approche interventionniste plutôt qu’une libéralisation de son économie. Cette stratégie pourrait déterminer si l’Allemagne parviendra à retrouver sa position de leader économique européen ou si elle s’enlisera dans une stagnation durable.

Les prochains mois seront décisifs pour mesurer l’efficacité des mesures gouvernementales face à une crise qui dépasse désormais le cadre d’un simple ralentissement cyclique.

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