Des incidents soulèvent des questions sur les protocoles de don d’organes aux États-Unis

Plusieurs cas documentés révèlent des dysfonctionnements dans l'évaluation de l'état des patients avant prélèvement
6 August 2025
3 mins read

ALBUQUERQUE, Nouveau-Mexique – Une série d’incidents récents dans le secteur du don d’organes aux États-Unis soulève des préoccupations sur l’adéquation des protocoles d’évaluation des patients, notamment dans le contexte d’une demande croissante de greffons.

Le cas de Danella Gallegos, 38 ans, illustre ces préoccupations. En 2022, cette patiente de l’hôpital Presbyterian d’Albuquerque avait été déclarée en état de mort cérébrale et orientée vers un don d’organes. Cependant, juste avant l’intervention, elle a montré des signes de conscience en clignant des yeux sur demande médicale. La procédure a été annulée et la patiente s’est depuis rétablie complètement.

Danella Gallegos

Danella Gallegos

L’essor du don après arrêt circulatoire

Cette affaire intervient dans un contexte d’évolution des pratiques de don d’organes. Les dons après arrêt circulatoire (DCD), qui consistent à prélever des organes avant la mort cérébrale sur des patients jugés “non récupérables”, ont représenté un tiers des dons aux États-Unis en 2023, soit trois fois plus qu’il y a cinq ans.

Cette pratique, développée pour répondre à la pénurie d’organes, impose des contraintes temporelles strictes entre l’arrêt des fonctions vitales et la viabilité des greffons, créant une pression sur les équipes médicales.

Des dysfonctionnements documentés

Une enquête fédérale au Kentucky a identifié 73 cas où des donneurs potentiels avaient manifesté des signes de conscience qui n’avaient pas été pris en compte par l’organisation locale de prélèvement. Ces révélations ont conduit à une révision des protocoles dans l’État, incluant des tests neurologiques plus fréquents.

Le cas d’Anthony Hoover en 2021 illustre également ces problématiques. Déclaré mourant, il s’est réveillé peu avant le prélèvement programmé de ses organes et a survécu, bien qu’avec des séquelles neurologiques.

Les défis de l’évaluation médicale

Le Dr Wade Smith, neurologue à l’Université de San Francisco, estime que ces incidents “arrivent bien plus souvent qu’on ne le croit”. Son confrère Robert Cannon, chirurgien transplantologue à l’Université de l’Alabama, reconnaît l’incertitude entourant l’ampleur du problème : “Je ne connais pas l’ampleur du problème. Je ne sais même pas si quelqu’un le sait.”

Ces témoignages soulignent les difficultés d’évaluation précise de l’état neurologique de patients critiques, particulièrement dans des situations où le temps constitue un facteur déterminant.

Un système sous pression de performance

Le département américain de la santé a reconnu en 2020 que l’augmentation de la demande d’organes avait modifié les critères d’évaluation des organisations de prélèvement, désormais jugées notamment sur le nombre de dons obtenus.

Cette évolution crée une tension entre objectifs de santé publique et pratiques médicales individuelles, soulevant des questions sur l’équilibre entre efficacité du système et sécurité des patients.

Responsabilités institutionnelles

Dans l’affaire Gallegos, l’hôpital Presbyterian et l’organisation New Mexico Donor Services se rejettent mutuellement la responsabilité des dysfonctionnements observés. Presbyterian Hospital accuse l’organisation d’avoir pris le contrôle du processus, tandis que cette dernière affirme ne jamais interférer dans les décisions médicales.

Une enquête officielle a été ouverte pour clarifier les responsabilités respectives des différents acteurs impliqués.

Enjeux éthiques et réglementaires

Ces incidents mettent en lumière la complexité croissante du don d’organes dans un contexte de demande élevée. La tension entre la nécessité de sauver des vies par la transplantation et la protection des patients potentiellement donneurs soulève des questions éthiques fondamentales.

Neva Williams, infirmière expérimentée en soins intensifs, exprime les préoccupations du personnel soignant face à ce qu’elle perçoit comme une approche trop agressive des organisations de prélèvement.

Perspectives d’amélioration

Les autorités sanitaires examinent actuellement les moyens d’améliorer les protocoles d’évaluation tout en maintenant l’efficacité du système de don. Les modifications apportées au Kentucky, incluant des possibilités de suspension des procédures en cas d’amélioration de l’état du patient, pourraient servir de modèle.

L’évolution de ces pratiques nécessitera un équilibre délicat entre l’urgence des besoins en transplantation et la nécessité de garantir des évaluations médicales rigoureuses, dans le respect des standards éthiques de la profession médicale.

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